Pendant les Jeux paralympiques, Handisport.org va mettre en avant des acteurs du monde handisport, fondamentaux pour le développement de leur discipline. Des femmes et des hommes qui vont suivre les sportifs depuis la France ou Tokyo. Avec une détermination sans faille. Sophie Ternel, directrice sportive (DS) de la Boccia pour la Fédération Française Handisport, elle a choisi de ne pas aller à Tokyo alors que les Bleus y vivent leur première aventure paralympique.
Sophie, pourquoi avoir choisi de ne pas aller à Tokyo ?
Sophie Tournel : Dans mon rôle de DS, ce n’est pas forcément ma place. Je l’ai toujours dit, même quand j’ai commencé dans cette fonction, il y a douze ans maintenant. Ma mission consiste avant tout à développer la boccia et à amener les meilleurs joueurs français jusqu’à la préparation internationale. J’ai également comme mission d’augmenter le nombre de pratiquants, de faire en sorte que les clubs et les comités fournissent des programmes intéressants pour eux.
Aux Jeux, la place revient aux joueurs, aux entraîneurs et au staff médical. J’ai pu comprendre que ça paraissait un peu particulier comme démarche, mais je suis très claire avec ça. Je suis présente aux stages du collectif France. Je suis responsable de la vie de groupe. Si l’entraîneur est en difficulté, je dois être là pour lui. Il doit y avoir une personne un peu neutre et j’assure ce rôle. Mais je participerai à une épreuve internationale majeure lors de la paralympiade. Il est en effet indispensable de rester connectée à l’international afin de reproduire des choses en France et avoir un œil sur ce qui se passe dans l’équipe.
« Il est inconcevable de laisser la logistique aux entraîneurs »
Mais ne convient-il pas aussi d’assurer cette vie de groupe, de régler les problèmes extra-sportifs, a fortiori pendant les Jeux paralympiques ?
S.T : C’est évident que je suis attachée au fait que les entraîneurs soient focalisés sur leur mission d’entraîneur et que les aspects logistiques soient cadrés. Ils partent donc avec une personne ressource qui est partie avec le collectif. Elle a l’habitude de s’occuper de la logistique et aide les sportifs à préserver leur bulle. Il serait inconcevable de laisser cette tâche aux entraîneurs.
Comment avez-vous transmis le relais à cette personne ressource ?
S.T : Elle n’est pas sortie du chapeau comme ça pour les Jeux. C’est mon binôme. Il s’agit de Laurence Le Franc, mon adjointe qui est avec moi depuis le début de l’aventure. Kinésithérapeuthe de métier dans un établissement spécialisé, elle a su imposer sa place dans les collectifs. Elle est très importante pour les entraîneurs et les joueurs. Elle a su se rendre indispensable auprès d’eux parce qu’elle connaît parfaitement les pathologies que l’on retrouve le plus fréquemment en boccia. Elle sait les mettre en confiance. Et elle a ces compétences en termes de logistique.
Aussi, elle sera totalement dédiée à la boccia. C’est important d’avoir pu bénéficier de cette particularité.
Comment allez-vous effectuer ce suivi à distance ?
S.T : On se donne encore le temps même si on a préparé ça sur les stages. Il y a aussi d’autres personnes qui ont fait partie de la préparation. Il y a deux autres joueurs et deux autres assistants qui ont permis d’être partenaires d’entraînement pendant plus d’un an. Ils sont partis à huit mais on est six personnes à ne pas être à Tokyo. On s’est donc dit, avec ce groupe, que si les joueurs présents au Japon avaient besoin nous, on sera là. Il y aura des temps visio avec eux, à leur demande. Il y a eu une demande dès leur arrivée à l’aéroport. Une fois encore, c’est à leur demande mais je reste connectée pour eux pour le moindre besoin. Et ils le savent.
« Trois joueurs partent mais je pense aux trois mille licenciés »
Il y a les mots, la volonté… Et les faits. À l’approche des Jeux, n’avez-vous pas eu envie de partir finalement ?
S.T : Je n’ai pas hésité parce que je suis persuadée du bien-fondé de ma décision dans mes responsabilités. Mais c’est vrai que, comme j’ai pu vivre les stages de préparation et les championnats d’Europe, on a vécu des émotions fortes. Et je reste humaine.
Mais les stages, je ne les vis aussi qu’à moitié. Je suis là pour le lancement, vérifier que l’organisation est conforme à ce que j’ai mis en place, pour voir la vie de groupe aussi mais ensuite je reprenais mon chemin pour travailler sur les autres missions. Finalement, cela préparait le collectif, au fur et à mesure, au fait que je ne sois pas là sur une majorité des compétitions internationales, sur les Jeux.
Mon rôle n’est pas d’être là à 100 %. Quand on a vraiment commencé la préparation des Jeux par des stages mensuels, j’ai ressenti le besoin, d’exprimer cette démarche. De leur demander si ça allait, si ce fonctionnement-là leur convenait. Au final, ça a fait son chemin mois après mois. Mais il y a eu une certaine émotion parce que j’avais vécu les championnats d’Europe avec eux. Et après, Tokyo, ils auront vécu quelque chose de fort ensemble et il me reviendra de gérer ce décalage.
Néanmoins, c’est intéressant de garder ce regard extérieur. Il y a les trois joueurs qui partent mais je pense autant aux trois mille pratiquants qui sont en France. Il faut bosser pour eux et je n’ai pas envie de déséquilibrer les choses. J’espère qu’un jour on sera plus nombreux encore et pour ça, parfois, il faut faire des choix. Se préparer aux Jeux, y aller, demande du temps et beaucoup de disponibilité. J’ai envie de la passer sur mon projet de développement.
Rédaction : J. Soyer